Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/273

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ent contemporain. Non, il a pris les guenilles, il les a prises même sans passion littéraire, car il les a mêlées, il a lâché de rafraîchir toutes ces vieilles draperies des écoles mortes pour les jeter sur les épaules de ses héros. Une tragédie glaciale, un drame échevelé, passe encore ! on peut être un fanatique ; mais une œuvre mixte, un raccommodage de tous les débris antiques, voilà ce qui m’a fâché !

Il est inutile d’avoir vingt-deux ans pour écrire une œuvre pareille. Cela me consterne que l’auteur n’ait que vingt-deux ans ; j’aurais compris qu’il en eût au moins cinquante. Serait-il donc vrai que les débutants, même ceux qui ont soif d’originalité et de nouveauté, se trouvent fatalement condamnés à l’imitation ? Peut-être M. Lomon ne s’est-il pas aperçu des emprunts qu’il a faits de tous les côtés, du cadre vermoulu dans lequel il a placé sa pièce, des lieux communs qui y traînent, de la fille bâtarde, en un mot, dont il est accouché. La jeunesse n’a pas conscience des heures qu’elle perd à se vieillir.

Je sais que le patriotisme répond atout. M. Lomon a écrit un drame patriotique, cela ne suffit-il pas à prouver l’élan généreux de sa jeunesse ? Je dirai une fois encore que le véritable patriotisme, quand on fait jouer une pièce à la Comédie-Française, consiste avant tout à tâcher que cette pièce soit un chef-d’œuvre. Le patriotisme de l’écrivain n’est pas le même que celui du soldat. Une œuvre originale et puissante fait plus pour la patrie que de beaux coups d’épée, car l’œuvre rayonne éternellement et hausse la nation au-dessus de toutes les nations voisines. Quand vous aurez fait crier sur la scène : Vive la France ! ce ne sera là qu’un cri banal et perdu. Quand vous