Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

muscles et le cerveau travaillent comme dans la nature.

Ce sont donc là les procédés auxquels les écrivains tournés vers l’épopée ne veulent pas renoncer. Toute la poésie, pour eux, est dans le passé et dans l’abstraction, dans l’idéalisation des faits et des personnages. Dès qu’on les met en face de la vie quotidienne, dès qu’ils ont devant eux le peuple qui emplit nos rues, ils battent des paupières, ils balbutient, effarés, ne voyant plus clair, trouvant tout très laid et indigne de l’art. A les entendre, il faut que les sujets entrent dans les mensonges de la légende, il faut que les hommes se pétrifient et tournent à l’état de statue, pour que l’artiste puisse enfin les accepter et les accommoder à sa guise.

Or, c’est à ce moment que les naturalistes arrivent et disent très carrément que la poésie est partout, en tout, plus encore dans le présent et le réel que dans le passé et l’abstraction. Chaque fait, à chaque heure, a son côté poétique et superbe. Nous coudoyons des héros autrement grands et puissants que les marionnettes des faiseurs d’épopée. Pas un dramaturge, dans ce siècle, n’a mis debout des figures aussi hautes que le baron Hulot, le vieux Grandet, César Birotteau, et tous les autres personnages de Balzac, si individuels et si vivants. Auprès de ces créations géantes et vraies, les héros grecs ou romains grelottent, les héros du moyen âge tombent sur le nez comme des soldats de plomb.

Certes, à cette heure, devant les œuvres supérieures produites par l’école naturaliste, des œuvres de haut vol, toutes vibrantes de vie, il est ridicule et faux de parquer la poésie dans je ne sais quel temple d’antiquailles,