Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/345

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En somme, je le répète, le succès a été très vif. On a beaucoup applaudi les Hanlon. Je ne fais pas ici une étude complète de ces grands artistes, car il faudrait dégager leur originalité, bien montrer ce qu’ils ont apporté de personnel, en dehors de leurs sauts de gymnastes et de leurs jeux de mimes. Ce qu’ils mettent dans tout, c’est une perfection d’exécution incroyable. Leurs scènes sont réglées à la seconde. Ils passent comme des tourbillons, avec des claquements de soufflets qui semblent les tic-tac mêmes du mécanisme de leurs exercices. Ils ont la finesse et la force. C’est là ce qui les caractérise. Sous le masque enfariné de Pierrot, ils détaillent l’idée avec des jeux de physionomie d’un esprit délicieux ; puis, brusquement, un coup du vent semble passer, et les voilà lancés dans une férocité saxonne qui nous surprend un peu. Ils bondissent, ils s’assomment, ils sont à la fois aux quatre coins de la scène ; et ce sont des bouteilles volées avec une habileté qui est la poésie du larcin, des gifles qui s’égarent, des innocents qu’on bâtonne et des coupables qui vident les verres des braves gens, une négation absolue de toute justice, une absolution du crime par l’adresse. Telle est leur originalité, un mélange de cruauté et de gaieté, avec une fleur de fantaisie poétique.

Je le dis encore, je ne sais rien de plus triste sous le rire. Cela rappelle les grandes caricatures anglaises. L’homme se débat et sanglote, dans les gambades et les grimaces de ces mimes. Je songeais avec quel cri de colère on accueillerait une œuvre de nous, romanciers naturalistes, si nous poussions si loin l’analyse de la grimace humaine, la satire de l’homme aux