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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/36

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doit être, un homme de génie seul peut l’enfanter. Corneille et Racine ont fait la tragédie. Victor Hugo a fait le drame romantique. Où donc est l’auteur encore inconnu qui doit faire le drame naturaliste ! Depuis quelques années, les tentatives n’ont pas manqué. Mais, soit que le public ne fût pas mûr, soit plutôt qu’aucun des débutants n’eût le large souffle nécessaire, pas une de ces tentatives n’a eu encore de résultat décisif.

En ces sortes de combats, les petites victoires ne signifient rien ; il faut des triomphes, accablant les adversaires, gagnant la foule à la cause. Devant un homme vraiment fort, les spectateurs plieraient les épaules. Puis, cet homme apporterait le mot attendu, la solution du problème, la formule de la vie réelle sur la scène, en la combinant avec la loi d’optique nécessaire au théâtre. Il réaliserait enfin ce que les nouveaux venus n’ont pu trouver encore : être assez habile ou assez puissant pour s’imposer, rester assez vrai pour que l’habileté ne le conduisît pas au mensonge.

Et quelle place immense ce novateur prendrait dans notre littérature dramatique ! Il serait au sommet. Il bâtirait son monument au milieu du désert de médiocrité que nous traversons, parmi les bicoques de boue et de crachat dont on sème au jour le jour nos scènes les plus illustres. Il devrait tout remettre en question et tout refaire, balayer les planches, créer un monde, dont il prendrait les éléments dans la vie, en dehors des traditions. Parmi les rêves d’ambition que peut faire un écrivain à notre époque, il n’en est certainement pas de plus vaste. Le domaine du roman est encombré ; le domaine du