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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/398

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à la vraisemblance et aux documents humains.

En somme, cette formule peut se réduire à ceci : poser en principe que seul le mouvement existe ; faire ensuite des personnages de simples pièces d’échec, impersonnelles et taillées sur un patron convenu, dont l’auteur usera à son gré ; combiner alors l’armée de ces personnages de bois de façon à tirer de la bataille le plus grand effet possible ; et aller carrément à cette besogne, ne pas faire la petite bouche devant les mensonges monstrueux, agir seulement en vue du résultat final, qui est d’étourdir le public par une série de coups de théâtre, sans lui laisser le temps de protester.

On connaît le résultat. Il est réellement foudroyant. Le public suit la terrible partie avec une émotion qui augmente à chaque tableau. Ce spectacle tout physique le prend aux nerfs et au sang, le secoue comme sous les décharges successives d’une machine électrique. Une fois engagé dans l’engrenage de cet art purement mécanique, s’il a livré le bout du doigt au prologue, il faut qu’il laisse le corps entier au dernier acte. La langue étrange que parlent les personnages, les situations stupéfiantes de fausseté et de drôlerie, rien n’importe plus. On assiste à la pièce, comme on lit un de ces romans-feuilletons dont les péripéties vous empoignent et vous brisent, à ce point qu’on ne peut s’en arracher, même lorsqu’on en sent toute l’imbécillité.

Mais qu’arrive-t-il quand on a terminé la lecture d’une telle œuvre ? On jette le roman, dégoûté et furieux contre soi-même. Quoi ! on a pu perdre son temps dans cette fièvre de curiosité malsaine ! On s’essuie la face comme un joueur qui s’échappe d’un