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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/54

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une jeune fille riche ; tous les deux s’adorent et sont parfaitement honnêtes ; le jeune homme refuse d’épouser la jeune fille par délicatesse ; mais voilà qu’elle devient pauvre, et tout de suite il accepte sa main, au milieu de l’allégresse générale. Ou bien c’est la situation contraire : la jeune fille est pauvre, le jeune homme est riche ; même combat de délicatesse, un peu plus ridicule ; seulement, on ajoute alors un raffinement final, un refus absolu du jeune homme d’épouser celle qu’il aime quand il est ruiné, parce qu’il ne peut plus la combler de bien-être.

Étudions la vie maintenant, la vie quotidienne, celle qui se passe couramment sous nos yeux. Est-ce que tous les jours les garçons les plus dignes, les plus loyaux, n’épousent pas des femmes plus riches qu’eux, sans perdre pour cela la moindre parcelle de leur honnêteté ? Est-ce que, dans notre société, un pareil mariage entraîne, à moins de complications odieuses, une idée infamante, même un blâme quelconque ? Mais il y a mieux, lorsque la fortune vient de l’homme, ne sommes-nous pas touchés de ce qu’on appelle un mariage d’amour, et la jeune fille qui ferait des mines dégoûtées pour se laisser enrichir par l’homme qu’elle adore, ne serait-elle pas regardée comme la plus désagréable des péronnelles ? Ainsi donc, le mariage avec la disproportion des fortunes est parfaitement admis dans nos mœurs ; il ne choque personne, il ne fait pas question ; enfin il n’est immoral qu’au théâtre, où il reste à l’état d’instrument scénique.

Prenons un second exemple. Voici un fils très noble, très grand, qui a le malheur d’avoir pour père un gredin. Au théâtre, ce fils sanglote ; il se dit le