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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/86

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pour un homme qui a bien dîné ; il faut qu’il comprenne, grosse besogne. Au contraire, à l’Opéra, il n’a qu’à se laisser bercer, aucune instruction n’est nécessaire ; l’épicier du coin jouira autant que le mélomane le plus raffiné. Et il y a, en outre, la féerie dans l’opéra, les ballets avec le nu des danseuses, les décors avec l’éblouissement de l’éclairage. Tout cela s’adresse directement aux sens du spectateur et ne lui demande aucun effort d’intelligence. De là le temple superbe qu’on a bâti à la musique, lorsque presque en face, à l’autre bout d’une avenue, la littérature est en comparaison logée comme une petite bourgeoise froide, ennuyeuse, raisonneuse, et qui serait déplacée dans ce luxe d’entretenue. C’est le mot, on entretient la musique en France. Rien de moins viril pour la santé intellectuelle d’un peuple.

Devant cette disproportion des sommes consacrées à la littérature et à la musique, il s’est donc trouvé un grand nombre de personnes qui ont réclamé. Il semble juste que les subventions soient réparties plus équitablement. Si l’on aborde le côté pratique, les résultats obtenus, la surprise est aussi grande ; car on en arrive à établir que les centaines de mille francs jetées dans le tonneau sans fond des théâtres lyriques, se trouvent encore insuffisantes et n’ont guère amené que des faillites. L’Opéra lui-même, qui reste une entreprise particulière très prospère, n’a plus produit de grandes œuvres depuis longtemps et doit vivre sur son répertoire, avec une troupe que la critique compétente déclare de plus en plus médiocre. N’importe, on s’entête. Quand un théâtre lyrique croule, ce qui se présente à chaque saison, on s’ingénie aussitôt pour en ouvrir un autre. La presse entre en