Page:Zola - Le Roman expérimental, 1902.djvu/45

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loin.

Voyons d'abord ce que Claude Bernard dit de la médecine. «Certains médecins pensent que la médecine ne peut être que conjecturale, et ils en concluent que le médecin est un artiste qui doit suppléer à l'indéterminisme des cas particuliers par son génie, par son tact personnel. Ce sont là des idées antiscientifiques contre lesquelles il faut s'élever de toutes ses forces, parce que ce sont elles qui contribuent à faire croupir la médecine dans l'état où elle est depuis si longtemps. Toutes les sciences ont nécessairement commencé par être conjecturales; il y a encore aujourd'hui dans chaque science des parties conjecturales. La médecine est encore presque partout conjecturale, je ne le nie pas; mais je veux dire seulement que la science moderne doit faire des efforts pour sortir de cet état provisoire qui ne constitue pas un état scientifique définitif, pas plus pour la médecine que pour les autres sciences. L'état scientifique sera plus long à se constituer et plus difficile à obtenir en médecine, à cause de la complexité des phénomènes; mais le but du médecin savant est de ramener dans sa science, comme dans toutes les autres, l'indéterminé au déterminé.» Le mécanisme de la naissance et du développement d'une science est là tout entier. On traite encore le médecin d'artiste, parce qu'il y a, en médecine, une place énorme laissée aux conjectures. Naturellement, le romancier méritera davantage ce nom d'artiste, puisqu'il se trouve plus enfoncé encore dans l'indéterminé. Si Claude Bernard confesse que la complexité des phénomènes empêcheront [sic] longtemps de constituer la médecine à l'état scientifique, que sera-ce donc pour le roman expérimental, où les phénomènes sont plus