Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/10

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journalisme. On devait me payer deux sous la ligne, et j’avais calculé que ce travail me rapporterait environ deux cents francs par mois, pendant neuf mois : c’était, en somme, une aubaine inespérée. Dès que j’eus les documents, un nombre considérable d’énormes dossiers, je me mis à la besogne, en me contentant de prendre, pour intrigue centrale, un des procès les plus retentissants, et en m’efforçant de grouper et de rattacher les autres autour de celui-là, dans une histoire unique. Certes, le procédé y est gros ; mais, comme je relisais les épreuves, ces jours-ci, j’ai été frappé du hasard qui, à un moment où je me cherchais encore, m’a fait écrire cette oeuvre de pur métier, et de mauvais métier, sur tout un ensemble de documents exacts. Puis tard, pour mes oeuvres littéraires, je n’ai pas suivi d’autre méthode.

Donc, pendant neuf mois, j’ai fait mon feuilleton deux fois par semaine. En même temps, j’écrivais Thérèse Raquin, qui devait me rapporter cinq cents francs dans l’Artiste ; et, lorsque le matin j’avais mis parfois quatre heures pour trouver deux pages de ce roman, je bâclais l’après-midi, en une heure, les sept ou huit pages des Mystères de Marseille. Ma journée était gagnée, je pouvais manger le soir.

Alors, pourquoi ressusciter un tel ouvrage de son néant, après dix-huit années ? Pourquoi ne pas le laisser dormir le sommeil de l’oubli, auquel il est destiné fatalement ? Voici les causes qui me déterminent à en donner cette renouvelle édition.

J’entends détruire une des légendes qui se sont formées sur mon compte. Des gens ont inventé que