Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/156

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La jeune femme présenta les deux hommes l’un à l’autre.

« Oh ! nous nous connaissons, dit le maître portefaix avec un rire d’homme heureux. Je connais aussi M. Philippe Cayol. En voilà un gaillard ! »

À la vérité, Sauvaire était enchanté d’être trouvé en tête à tête avec Armande. Il se mit à la tutoyer, à appuyer sur les plaisirs qu’ils prenaient ensemble. Il continua en parlant de Philippe et en s’adressant à sa maîtresse :

« Il venait souvent chez toi, n’est-ce pas ?... Ah ! va, ne t’en défends pas. Je crois que vous vous êtes aimés... Je le rencontrais parfois au Château-des-Fleurs... Nous y sommes allés hier, au Château-des-Fleurs. Hein ? ma chère, quelle foule, que de toilettes ! »

Il se tourna vers Marius.

« Le soir, ajouta-t-il, nous avons mangé au restaurant... C’est très cher. Tout le monde ne peut se payer cela. »

Armande paraissait souffrir. Il y avait encore au fond de cette femme des délicatesses. Elle regardait Marius avec de légers haussements d’épaule et des coups d’œil qui raillaient Sauvaire. Celui-ci, imperturbable, s’étalait complaisamment.

Marius devina alors les embarras et les tourments de la lorette. Il lui vint comme des pitiés en voyant le salon désert et en comprenant sur quelle pente effroyable roulait cette femme, qu’il avait connue insouciante et heureuse. Il regretta d’être monté.

Vers dix heures, il resta seul avec Sauvaire, qui se mit à lui expliquer sa fortune et à lui conter sa joyeuse vie. Une servante était venue dire tout bas à Armande que Mme Mercier se trouvait dans l’antichambre et qu’elle paraissait fort en colère.