Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/20

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trouva Philippe sous la treille, regardant avec amour Blanche de Cazalis assise à côté de lui. La jeune fille, déjà lasse était plongée dans le sourd remords de ce qu’ils avaient fait.

L’entrevue fut pénible, pleine d’angoisse et de honte. Philippe s’était levé.

« Tu me blâmes ? demanda-t-il en tendant la main à son frère.

– Oui, je te blâme, répondit Marius avec force. Tu as commis là une méchante action. L’orgueil t’a emporté, la passion t’a perdu. Tu n’as pas réfléchi aux malheurs que tu vas attirer sur les tiens et sur toi. »

Philippe eut un mouvement de révolte.

« Tu as peur, dit-il amèrement. Moi, je n’ai pas calculé. J’aimais Blanche, Blanche m’aimait. Je lui ai dit : « Veux-tu venir avec moi ? » Et elle est venue. Voilà notre histoire. Nous ne sommes coupables ni l’un ni l’autre.

– Pourquoi mens-tu ? reprit Marius avec une sévérité plus haute. Tu n’es pas un enfant. Tu sais bien que ton devoir était de défendre cette jeune fille contre elle-même : tu devais l’arrêter au bord de la faute, l’empêcher de te suivre. Ah ! ne me parle pas de passion. Moi, je ne connais que la passion de la justice et du devoir. »

Philippe souriait dédaigneusement. Il attira Blanche sur sa poitrine.

« Mon pauvre Marius, dit-il, tu es un brave garçon, mais tu n’as jamais aimé, tu ignores la fièvre d’amour… Voici ma défense. »

Et il se laissa embrasser par Blanche, qui se tenait à lui avec des frémissements. La pauvre enfant sentait bien qu’elle n’avait plus d’espoir qu’en cet homme. Elle s’était livrée, elle lui appartenait. Et, maintenant, elle l’aimait presque en esclave, amoureuse et craintive.

Marius, désespéré, comprit qu’il ne gagnerait rien en parlant sagesse aux deux amants. Il se promit d’agir par lui-même, il voulut apprendre tous les faits de la désolante