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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/206

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Fine avait mis tant d’âme dans le cri qui venait de lui échapper que Marius tourna la tête et joignit les mains, en la regardant avec anxiété. Elle, comprenant qu’elle avait brusquement livré le secret de son cœur, baissa son front qui se couvrait de rougeur. Elle resta ainsi, muette et embarrassée, pendant quelques secondes. Mais elle n’était pas fille à reculer devant l’aveu complet de son amour ; il y avait en elle trop de franchise et de vivacité pour qu’elle consentît à jouer la comédie hypocrite que jouent les amoureuses en pareille occasion.

Elle releva courageusement le front et regarda en face Marius qui tremblait.

« Écoutez, mon ami, lui dit-elle. Je veux être franche. Il y a six mois, je ne pensais guère à vous. Je vous croyais laid, je ne vous avais sans doute jamais regardé... Aujourd’hui, la beauté vous est venue. Je ne sais pas comment cela s’est fait, je vous jure... »

Malgré toute sa décision, elle hésitait un peu, et de subites rougeurs lui montaient encore aux joues. Elle s’arrêta, ne pouvant dire carrément à Marius qu’elle l’aimait. D’ailleurs, elle connaissait la timidité du jeune homme et parlait uniquement pour l’encourager. Marius restait dans son extase attendrie ; il ne demandait pas davantage, il serait demeuré là, sur la falaise, pendant toute la nuit, sans chercher à obtenir de Fine des aveux plus complets. Fine s’impatientait.

L’histoire de l’amour de la bouquetière était simple. Elle avait d’abord aimé la haute taille, le visage énergique de Philippe, avec cet aveuglement des jeunes filles qui les pousse à choisir les beaux garçons, ceux qui ont toute leur beauté sur leur visage et rien dans l’âme. Puis, blessée au cœur par l’indifférence de l’amant de Blanche, voyant clair enfin dans son caractère vaniteux, elle avait jugé sévèrement sa conduite et s’était détachée peu à peu de lui. C’est alors qu’elle se trouva seul à seul avec Marius, dans une intimité qui les rapprochait de plus en plus.