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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/23

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III

Il y a des valets dans l’église


Marius, en arrivant à Marseille, se dirigea vers l’église Saint-Victor, à laquelle était attaché l’abbé Chastanier. Saint-Victor est une des plus vieilles églises de Marseille ; ses murailles noires hautes et crénelées, la font ressembler à une forteresse. Le peuple rude du port a pour elle une vénération toute particulière.

Le jeune homme trouva l’abbé Chastanier dans la sacristie. Ce prêtre était un grand vieillard, à la figure longue décharnée d’une pâleur de cire ; ses yeux tristes avaient la fixité de la souffrance et de la misère. Il revenait d’un enterrement et ôtait son surplis avec lenteur.

Son histoire était courte et douloureuse. Fils de paysans, d’une douceur et d’une naïveté d’enfant, il était entré dans les ordres poussé par les désirs pieux de sa mère. Pour lui, en se faisant prêtre, il avait voulu faire un acte d’humilité, de dévouement absolu. Il croyait, en simple d’esprit, qu’un ministre de Dieu doit se renfermer dans l’infini de l’amour divin, renoncer aux ambitions et aux intrigues de ce monde, vivre au fond du sanctuaire, pardonnant les péchés d’une main et faisant l’aumône de l’autre.

Ah ! le pauvre abbé ! et comme on lui montra que les simples d’esprit ne sont bons qu’à souffrir et à rester dans l’ombre ! Il apprit vite que l’ambition est une vertu sacerdotale, et que les jeunes prêtres aiment