Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/285

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Troisième partie


I

Le complot



Environ deux mois après l’évasion de Philippe, par une calme soirée de février, Blanche se promenait lentement. Le crépuscule allait tomber. Au loin, la mer était toute pâle, et, sur les cailloux de la grève, elle bruissait faiblement, à peine frissonnante sous les vents du soir. Les tiédeurs du printemps prochain soufflaient déjà au fond de l’air limpide. Dans le grand ciel bleu du Midi, il y a parfois des soleils d’hiver qui ont les forces généreuses des soleils d’été.

La jeune femme allait à petits pas, le long de la falaise, regardant croître la nuit sur les flots qui devenaient d’un bleu noir, et dont les plaintes se faisaient plus douces. La malheureuse était bien changée. Elle avait à peine dix-sept ans, et les fatalités terribles qui venaient de la frapper la courbaient, mettaient sur son jeune visage des pâleurs de morte. Toute sa vigueur, toute sa vie légère et insouciante, s’en étaient allées dans ses larmes. L’époque où elle serait mère approchait, et elle marchait en chancelant de faiblesse, plus accablée encore sous le poids de ses désespoirs que sous le poids de son enfant.