Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/302

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Lorsque Blanche lui eut ouvert, elle tomba dans ses bras, évanouie. La bouquetière n’eut que le temps de la porter sur son lit et de couvrir ses membres grelottants. Elle alla ensuite pousser le verrou de la porte qui donnait sur l’escalier, afin que personne ne pût les surprendre. Puis, elle se débarrassa de la grande mante qui l’enveloppait, et elle s’empressa auprès de l’accouchée dont les yeux restaient toujours fermés.

Peu à peu, Blanche revint à elle. Dès qu’elle ouvrit les paupières et qu’elle reconnut Fine à son côté, elle se souleva, dans un élan de joie et d’espérance, elle se jeta à son cou avec des larmes heureuses.

Pendant un instant, elles demeurèrent toutes deux sans voix. Puis, Fine aperçut le nouveau-né, elle le prit et l’embrassa. Alors un cri sortit des lèvres de Blanche :

« Vous l’aimerez comme si vous étiez sa mère, n’est-ce pas ? » demanda-t-elle.

La bouquetière regardait l’enfant avec cette tendresse des filles qui aiment et qui songent à la maternité. En contemplant le fils de Philippe, elle pensait à Marius, elle se disait : « J’aurai un enfant comme celui-ci. » Cette pensée la fit rougir. Elle replaça le nouveau-né sur le lit et s’assit à côté de Blanche.

« Écoutez, dit rapidement celle-ci, nous avons peu de temps à nous. On peut monter et nous surprendre d’un moment à l’autre... Vous m’êtes toute dévouée, n’est-ce pas ? »

Fine se pencha et la baisa au front.

« Je vous aime comme une sœur, répondit-elle.

– Je le sais, et c’est pour cela que je me confie à vous. Je vais vous léguer le plus saint héritage qu’une femme puisse laisser après elle.

– Mais vous n’êtes point morte !

– Si, je suis morte ! Dans quelques jours, lorsque je serai rétablie, j’appartiendrai à Dieu... Ne m’interrompez pas. Je quitte ce monde, et, avant de le quitter, je veux donner une mère à mon enfant, qui n’en aura bientôt plus. J’ai songé à vous. »