Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/415

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une quinzaine d’insurgés se montrèrent. L’ancien maître portefaix, en voyant luire des canons de fusil devant sa poitrine, eut un sourd frémissement de peur. Mais, par vantardise, il fit bonne contenance.

« Eh ! que diable ! dit-il, je suis un ami, ne tirez pas... Nous sommes tous Marseillais, nous ne pouvons nous égorger en famille. Il n’y a que de bons enfants ici, n’est-ce pas ? Déposez vos armes, allons-nous-en chacun de notre côté. »

Un seul cri répondit à ces exhortations.

« Il est trop tard !

– Il n’est jamais trop tard pour agir raisonnablement, continua Sauvaire. À votre place, je rentrerais dans le devoir. On a dû vous dire que le commissaire du gouvernement se rendait à vos réclamations. Que voulez-vous de plus ?

– Nous voulons du sang, retirez-vous ! » crièrent de nouveau les insurgés.

Tout en parlant, Sauvaire suivait avec attention les mouvements des ouvriers. Il crut entendre un bruit inquiétant, il allait se replier, lorsqu’une voix forte cria derrière la barricade :

« Prenez garde, baissez-vous ! »

Sauvaire se laissa tomber lourdement sur le sol, et les troupes qui étaient derrière s’inclinèrent.

Au même instant, une décharge, partie de la barricade et des maisons voisines, passa au-dessus des assiégeants avec un bruit terrible d’orage. Grâce à l’avertissement qui avait fait courber la tête aux soldats, une dizaine d’hommes au plus furent blessés. L’attaque avait été si brusque, si peu attendue, que les gardes nationaux se débandèrent, pris de panique. Sauvaire se rejeta à gauche, contre les maisons, et regagna en toute hâte sa compagnie, qui se reforma cent pas plus loin.

Pendant ce temps, une scène rapide se passait derrière la barricade. M. Martelly et l’abbé Chastanier étaient restés au milieu des ouvriers, ne cessant de les supplier d’éviter l’effusion du sang. Tandis que Sauvaire