Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/44

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propre chambre et leur dit qu’il allait sur-le-champ tâcher de leur procurer un passeport.

Jourdan était sorti, lorsque deux gendarmes se présentèrent.

Blanche faillit s’évanouir. Pâle, assise dans un coin, elle retenait ses sanglots. Philippe, d’une voix étranglée, demanda aux gendarmes ce qu’ils désiraient.

« Êtes-vous le sieur Jourdan ? interrogea l’un d’eux avec une rudesse de mauvais augure.

– Non, répondit le jeune homme. M. Jourdan est sorti, il va rentrer.

– Bien », dit sèchement le gendarme.

Et il s’assit pesamment. Les deux pauvres amoureux n’osaient se regarder ; ils défaillaient, en présence de ces hommes qui venaient sans doute les chercher. Leur supplice dura une grande demi-heure. Enfin, Jourdan rentra. Il pâlit en apercevant les gendarmes, et répondit à leur question avec un trouble inexprimable.

« Veuillez nous suivre, lui dit l’un de ces hommes.

– Mais pourquoi ? demanda-t-il. Qu’ai-je fait ?

– On vous accuse d’avoir triché au jeu, hier soir, dans un cercle. Vous vous expliquerez chez le juge d’instruction. »

Un frisson secoua Jourdan. Il demeura comme foudroyé, et suivit, avec la docilité d’un enfant, les gendarmes qui se retirèrent sans même voir l’épouvante de Blanche et de Philippe. L’histoire de Jourdan, en ce temps-là, fit grand bruit dans Toulon. Mais personne ne connut le drame intime et poignant qui s’était passé chez le pharmacien, le jour de son arrestation.

Ce drame découragea Philippe. Il comprit qu’il était trop faible pour échapper à la police qui le traquait. Puis, maintenant, il n’espérait plus se procurer un passeport, il ne pouvait franchir la frontière. D’ailleurs, il voyait bien que Blanche commençait à se lasser. Il résolut donc de se rapprocher de Marseille et d’attendre, dans les environs de cette ville, que