Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/150

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voisin de la lingerie, où il se proposait de se tenir en permanence.

— Madame, dit-il à madame de Jonquière, je suis à votre entière disposition. En cas de besoin, vous n’aurez qu’à m’envoyer chercher.

Elle l’écoutait à peine, se querellait avec un jeune prêtre de l’administration, parce qu’il n’y avait que sept vases de nuit pour toute la salle.

— Certainement, monsieur, s’il nous fallait une potion calmante…

Mais elle n’acheva pas, retourna à sa discussion.

— Enfin, monsieur l’abbé, tâchez de m’en avoir encore quatre ou cinq… Comment voulez-vous que nous fassions ? C’est déjà si pénible !

Et Ferrand écoutait, regardait, effaré de ce monde extraordinaire, où un hasard l’avait fait tomber, depuis la veille. Lui qui ne croyait pas, qui n’était là que par dévouement, s’étonnait de l’effroyable bousculade de tant de misère et de souffrance, se ruant à l’espoir du bonheur. Surtout, ses idées de jeune médecin étaient bouleversées, devant cette insouciance de toutes précautions, ce mépris des plus simples indications de la science, dans la certitude que, si le ciel le voulait, la guérison se produirait avec l’éclat d’un démenti aux lois mêmes de la nature. Alors, pourquoi cette dernière concession au respect humain, d’emmener un médecin qu’on employait si mal ? Il retourna dans son cabinet, vaguement honteux, en se sentant inutile et un peu ridicule.

— Préparez tout de même des pilules d’opium, lui dit sœur Hyacinthe qui l’avait accompagné jusqu’à la lingerie. On vous en demandera, nous avons des malades qui m’inquiètent.

Elle le regardait de ses grands yeux bleus, si doux, si bons, au continuel et divin sourire. Le mouvement qu’elle se donnait, rosait d’un sang vif sa peau éclatante de jeunesse.