Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maladies de la peau, à la chair rongée, ses hydropiques enflées comme des outres, ses rhumatisantes, ses paralytiques, tordues de souffrance ; et les hydrocéphales défilaient, et les danseuses de Saint-Guy, et les phtisiques, les rachitiques, les épileptiques, les cancéreuses, les goitreuses, les folles, les imbéciles. Ave, ave, ave, Maria ! La complainte obstinée s’enflait davantage, charriait vers la Grotte le flot abominable de la pauvreté et de la douleur humaines, dans l’effroi et l’horreur des passants, qui restaient plantés sur leurs jambes, glacés devant ce galop de cauchemar.

Pierre et Marie, les premiers, passèrent sous l’arcade haute d’une des rampes. Puis, comme ils suivaient le quai du Gave, tout d’un coup, ce fut la Grotte. Et Marie, que Pierre poussait le plus possible près de la grille, ne put que se soulever dans son chariot, en murmurant :

— Ô très sainte Vierge… Bien-aimée Vierge…

Elle n’avait rien vu, ni les édicules des piscines, ni la fontaine aux douze canons, devant lesquels elle venait de passer ; et elle ne distinguait pas davantage, à gauche la boutique des articles de sainteté, à droite la chaire de pierre, qu’un religieux occupait déjà. Seule, la splendeur de la Grotte l’éblouissait, cent mille cierges lui semblaient brûler là, derrière la grille, emplissant d’un éclat de fournaise l’ouverture basse, mettant dans un rayonnement d’astre la statue de la Vierge, posée, plus haut, au bord d’une excavation étroite, en forme d’ogive. Et rien n’était, en dehors de cette glorieuse apparition, ni les béquilles dont on avait tapissé une partie de la voûte, ni les bouquets jetés en tas, se fanant parmi les lierres et les églantiers, ni l’autel lui-même placé au centre, à côté d’un petit orgue roulant, couvert d’une housse. Mais, comme elle levait les yeux, elle retrouva, au sommet du rocher, dans le ciel, la mince Basilique blanche, qui se présentait de profil maintenant, avec la fine aiguille