Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/168

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Comme Pierre s’éloignait, dans son malaise, envahi d’une invincible répugnance à rester là davantage, il aperçut M. de Guersaint agenouillé près de la Grotte, l’air absorbé, priant de toute sa foi. Il ne l’avait pas revu depuis le matin, il ignorait s’il était parvenu à louer deux chambres ; et son premier mouvement fut de le rejoindre. Puis, il hésita, ne voulut point troubler son recueillement, pensant qu’il priait sans doute pour sa fille, qu’il adorait, malgré ses continuelles distractions de cervelle inquiète. Et il passa, il s’enfonça sous les arbres. Neuf heures sonnaient, il avait deux heures devant lui.

Là, de la berge sauvage, où paissaient autrefois les pourceaux, on avait fait, à coups d’argent, une avenue superbe, longeant le Gave. Il avait fallu en reculer le lit, pour gagner du terrain et établir un quai monumental, que bordait un large trottoir défendu par un parapet. L’avenue allait buter contre un coteau, à deux ou trois cents mètres ; et c’était ainsi comme une promenade fermée, garnie de bancs, ombragée d’arbres magnifiques. Personne n’y passait, le trop-plein de la foule y débordait seul. Il s’y trouvait encore des coins de solitude, entre le mur gazonné qui l’isolait au midi et les vastes champs qui se déroulaient au nord, de l’autre côté du Gave, des pentes boisées, égayées par les façades blanches des couvents. Pendant les brûlantes journées d’août, on