Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme le docteur Bonamy s’était approché d’eux, en les voyant causer à l’écart, Pierre lui demanda :

— Dans quelles proportions les guérisons se produisent-elles ?

— Environ le dix pour cent, répondit-il.

Puis, lisant une surprise dans les yeux du jeune prêtre, il ajouta avec une bonhomie parfaite :

— Oh ! nous en obtiendrions davantage… Mais, il faut bien le dire, je ne suis ici que pour faire un peu la police des miracles. Ma vraie fonction est d’arrêter les zèles trop grands, de ne pas laisser tomber dans le ridicule les choses saintes… En somme, mon bureau n’est qu’un bureau de visa, quand les guérisons constatées semblent sérieuses.

Il fut interrompu par de sourds grondements. C’était Raboin qui se fâchait.

— Les guérisons constatées, les guérisons constatées… À quoi bon ? Le miracle est continuel… Pour les croyants, à quoi bon constater ? Ils n’ont qu’à s’incliner et à croire. Pour les incroyants, à quoi bon encore ? Jamais on ne les convaincra… C’est des bêtises, ce que nous faisons ici.

Sévèrement, le docteur Bonamy lui ordonna de se taire.

— Raboin, vous êtes un révolté… Je dirai au père Capdebarthe que je ne veux plus de vous, puisque vous semez la désobéissance.

Il avait pourtant raison, ce garçon qui montrait les dents, toujours prêt à mordre, lorsqu’on touchait à sa foi ; et Pierre le regarda avec sympathie. Toute cette besogne du bureau des constatations, si mal faite d’ailleurs, était en effet inutile : blessante pour les dévots, insuffisante pour les incrédules. Est-ce que le miracle se prouve ? Il faut y croire. Il n’y a plus à comprendre, dès que Dieu intervient. Dans les siècles de réelle croyance, la science ne se mêlait pas d’expliquer Dieu. Que venait-elle faire ici ? Elle entravait la foi et se diminuait elle-même. Non, non ! se jeter