Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/250

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— Madame Maze, il y en a une qui doit être descendue chez les sœurs de l’Immaculée-Conception, les Sœurs bleues, comme on les appelle ici, je crois.

Le facteur remercia et s’en alla. Mais un sourire amer était monté aux lèvres de Majesté.

— Les Sœurs bleues, murmura-t-il, ah ! les Sœurs bleues…

Il jeta un coup d’œil oblique sur la soutane de Pierre, puis s’arrêta net, dans la crainte d’en trop dire. Son cœur pourtant débordait, il aurait voulu se soulager, et ce jeune prêtre de Paris, qui avait l’air d’être d’esprit libre, ne devait pas faire partie de la bande, comme il nommait tous les servants de la Grotte, tous ceux qui battaient monnaie avec Notre-Dame de Lourdes. Peu à peu, il se risqua.

— Monsieur l’abbé, je vous jure que je suis bon catholique. Ici, d’ailleurs, nous le sommes tous. Et je pratique, je fais mes Pâques… Mais, en vérité, je dis que des religieuses ne devraient pas tenir un hôtel. Non, non, ce n’est pas bien !

Et il exhala sa rancune de commerçant atteint par une concurrence déloyale. Est-ce que ces sœurs de l’Immaculée-Conception, ces Sœurs bleues, n’auraient pas dû s’en tenir à leur vrai rôle, la fabrication des hosties, l’entretien et le blanchissage des linges sacrés ? Mais non ! elles avaient transformé leur couvent en une vaste hôtellerie, où les dames seules trouvaient des chambres séparées, mangeaient en commun, quand elles ne préféraient pas se faire servir à part. Tout cela était très propre, très bien organisé, et pas cher, grâce aux mille avantages dont elles jouissaient. Aucun hôtel de Lourdes ne travaillait autant.

— Enfin, est-ce que c’est convenable ? des religieuses se mêler de vendre de la soupe ! Ajoutez que la supérieure est une maîtresse femme. Lorsqu’elle a vu la fortune