Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/264

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Et, comme elle riait, tous se mirent à rire. Elle avait accepté le bras de M. de Guersaint, tandis que Pierre marchait à sa gauche, pris de sympathie pour cette gaie petite femme, si vivante, si charmante, avec ses cheveux blonds ébouriffés et son teint de lait.

Derrière, Raymonde venait au bras de Gérard, qu’elle entretenait de sa voix posée, en demoiselle très sage, sous son air de jeunesse insoucieuse. Et, puisqu’elle tenait enfin le mari tant rêvé, elle se promettait bien de le conquérir cette fois. Aussi le grisait-elle de son parfum de belle fille saine, tout en l’émerveillant par son entente du ménage, de l’économie sur les petites choses ; car elle se faisait donner des explications au sujet de leurs achats, elle lui démontrait qu’ils auraient pu réduire encore leur dépense.

— Vous devez être horriblement fatiguée ? demanda M. de Guersaint à madame Désagneaux.

Elle eut une révolte, un cri de véritable colère.

— Mais non ! Imaginez-vous que la fatigue m’a terrassée dans un fauteuil, hier, dès minuit, à l’Hôpital. Et, alors, ces dames ont eu le cœur de me laisser dormir.

De nouveau, on se mit à rire. Mais elle restait hors d’elle.

— De façon que j’ai dormi pendant huit heures, comme une souche. Moi qui avais juré de passer la nuit !

Le rire finissait par la gagner ; et elle éclata, à belles dents blanches.

— Hein ? une jolie garde-malade !… C’est cette pauvre madame de Jonquière qui a veillé jusqu’au jour. J’ai tâché en vain de la débaucher, de l’emmener avec nous, tout à l’heure.

Raymonde, qui avait entendu, éleva la voix.

— Oh ! oui, cette pauvre maman, elle ne tenait plus sur ses jambes. Je l’ai forcée à se mettre au lit, en lui