Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/28

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creux de roche, où flamboyaient des cierges. Tous grondaient, parmi des cris de douleur et l’envolement des cantiques. C’étaient les hôpitaux roulants des maladies désespérées, la ruée de la souffrance humaine vers l’espoir de la guérison, un furieux besoin de soulagement, au travers des crises accrues, sous la menace de la mort hâtée, affreuse, dans une bousculade de cohue. Ils roulaient, ils roulaient encore, ils roulaient sans fin, charriant la misère de ce monde, en route pour la divine illusion, santé des infirmes et consolatrice des affligés.

Et une immense pitié déborda du cœur de Pierre, la religion humaine de tant de maux, de tant de larmes dévorant l’homme faible et nu. Il était triste à mourir, et une ardente charité brûlait en lui, comme le feu inextinguible de sa fraternité pour toutes les choses et pour tous les êtres.

À dix heures et demie, lorsqu’on quitta la gare de Saint-Pierre-des-Corps, sœur Hyacinthe donna le signal, et l’on récita le troisième chapelet, les cinq mystères glorieux, la Résurrection de Notre-Seigneur, l’Ascension de Notre-Seigneur, la Mission du Saint-Esprit, l’Assomption de la Très Sainte Vierge, le Couronnement de la Très Sainte Vierge. Puis, on chanta le cantique de Bernadette, l’infinie complainte de six dizaines de couplets, où la Salutation angélique revient sans cesse en refrain, bercement prolongé, lente obsession qui finit par envahir tout l’être et par l’endormir du sommeil extatique, dans l’attente délicieuse du miracle.