Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/289

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demain matin, vous communierez à la Grotte, avant qu’on vous ramène ici.

Neuf heures sonnèrent. Est-ce que Pierre, si exact, l’aurait oubliée ? On lui parlait maintenant de la procession aux flambeaux, qu’elle verrait d’un bout à l’autre, si elle partait tout de suite. Chaque soir, les cérémonies finissaient par une procession pareille ; mais celle du dimanche était toujours la plus belle, et l’on annonçait que la procession de ce soir-là serait d’une splendeur extraordinaire, comme rarement on en voyait. Près de trente mille pèlerins devaient défiler, un cierge à la main. Les merveilles nocturnes du ciel allaient s’ouvrir, les étoiles descendraient sur la terre. Et les malades se plaignaient, quelle tristesse d’être cloué sur un lit, de ne rien voir de ces prodiges !

— Ma chère fille, vint dire madame de Jonquière, voici votre père et monsieur l’abbé.

Marie, radieuse, oublia son attente.

— Oh ! Pierre, je vous en supplie, dépêchons-nous, dépêchons-nous !

Ils la descendirent, le prêtre s’attela au petit chariot, qui roula doucement sous le ciel criblé d’étoiles, tandis que M. de Guersaint marchait à côté. C’était une nuit sans lune, admirablement belle, un velours d’un bleu sombre, piqué de diamants ; et la douceur de l’air était exquise, un bain tiède d’air pur, embaumé par l’odeur des montagnes. Beaucoup de pèlerins se pressaient dans la rue, marchant tous vers la Grotte ; mais la foule restait discrète, un flot humain recueilli, n’ayant plus la badauderie foraine de la journée. Et, dès le plateau de la Merlasse, les ténèbres s’élargissaient, on entrait sous le ciel immense, dans le lac d’ombre des pelouses et des grands arbres, d’où l’on ne voyait se dresser, à gauche, que la flèche mince et pâle de la Basilique.

Pierre fut pris d’inquiétude devant la foule de plus en