Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/312

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pas les paroles nécessaires. Et ce fut un soulagement pour lui, lorsqu’une main le toucha doucement à l’épaule.

— Monsieur l’abbé, venez donc avec moi, si vous ne connaissez pas la Grotte. Je vous y installerai, on y est si bien, à cette heure-ci !

Il leva la tête, reconnut le baron Suire, directeur de l’Hospitalité de Notre-Dame de Salut. Sans doute, cet homme bienveillant et simple l’avait pris en affection. Il accepta, le suivit dans la Grotte, qui était absolument vide. Même, le baron referma derrière eux la grille, dont il avait une clef.

— Voyez-vous, monsieur l’abbé, c’est l’heure où l’on est vraiment bien. Moi, lorsque je viens passer quelques jours à Lourdes, il est rare que je me couche avant le jour, parce que j’ai l’habitude de finir ici ma nuit… Il n’y a plus personne, on y est tout seul, et, n’est-ce pas ? comme c’est aimable, comme on se sent chez la sainte Vierge !

Il souriait d’un air de bonhomie, il faisait les honneurs de la Grotte, en vieil habitué, un peu affaibli par l’âge, plein d’une véritable tendresse pour ce coin charmant. Du reste, malgré sa grande dévotion, il n’y était point gêné, il y causait, il y donnait des explications, avec la familiarité d’un homme qui se savait l’ami du ciel.

— Ah ! vous regardez les cierges… Il y en a près de deux cents qui brûlent à la fois, nuit et jour, et cela finit tout de même par chauffer… L’hiver, on a chaud.

Pierre, en effet, étouffait un peu, dans l’odeur tiède de la cire. Ébloui par la clarté vive où il entrait, il regardait la grande herse centrale, en forme de pyramide, toute hérissée de petits cierges, pareille à un if flamboyant, constellé d’étoiles. Dans le fond, une herse droite, au ras du sol, maintenait les gros cierges, qui s’alignaient, d’inégale hauteur, ainsi que des tuyaux d’orgues, certains de la grosseur de la cuisse. Et d’autres herses