Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/345

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enthousiaste de la chrétienté entière. D’ailleurs, les dons affluaient, l’or pleuvait des diocèses les plus lointains, une pluie d’or qui devait grandir et ne jamais cesser. Ce furent alors ses années heureuses, on le rencontrait à chaque heure parmi les ouvriers, qu’il activait en brave homme aimant à rire, toujours sur le point de prendre lui-même le pic et la truelle, dans sa hâte à voir se réaliser son rêve. Mais les temps d’épreuves allaient venir, il tomba malade, il était en grand danger de mort, le 4 avril 1864, lorsque la première procession partit de son église paroissiale pour se rendre à la Grotte, une procession de soixante mille pèlerins, qui se déroulait au milieu d’un concours de foule immense.

Le jour où l’abbé Peyramale, sauvé une première fois de la mort, se releva, il était dépossédé. Déjà, pour le suppléer dans sa lourde tâche, l’évêque, Mgr Laurence, lui avait donné un aide, un de ses anciens secrétaires, le père Sempé, dont il avait fait le directeur des missionnaires de Garaison, une maison fondée par lui. Le père Sempé était un petit homme maigre et fin, d’une apparence désintéressée, très humble, brûlé au fond de toutes les soifs de l’ambition. D’abord, il s’était tenu à son rang, servant le curé de Lourdes en subordonné fidèle, s’occupant de tout pour le soulager, se mettant au courant de tout, dans le désir de se rendre indispensable. Immédiatement, il dut comprendre quelle riche ferme allait devenir la Grotte, quel revenu colossal on en pourrait tirer, avec un peu d’adresse. Il ne quittait plus l’évêché, il s’était emparé de l’évêque, très froid, très pratique, qui avait de grands besoins d’aumônes. Et ce fut ainsi qu’il réussit, lorsque l’abbé Peyramale tomba malade, à faire définitivement séparer de la cure de Lourdes le domaine entier de la Grotte, qu’il fut chargé d’administrer, à la tête de quelques pères de l’Immaculée-Conception, dont l’évêque le nomma supérieur.