lente de la maladie. Ses cheveux, seuls respectés, la vêtaient d’or. Sa tête réduite, affinée, avait pris une expression de rêve, les yeux perdus dans la hantise de sa souffrance, les traits immobilisés, comme si elle eût dormi au fond d’une pensée fixe, en attendant que la secousse du bonheur attendu l’éveillât. Elle était absente d’elle-même, elle allait y rentrer, quand Dieu le voudrait. Et cette enfantine délicieuse, petite fille à vingt-trois ans, restée toujours à la minute où un accident l’avait frappée dans son sexe, l’attardant, l’empêchant d’être femme, était enfin prête à recevoir la visite de l’ange, le choc miraculeux qui devait la tirer de son engourdissement et la remettre debout. Son extase du matin continuait, ses mains s’étaient jointes, un élancement de tout son être l’avait ravie à la terre, dès qu’elle avait aperçu l’image de la sainte Vierge. Elle priait, elle s’offrait divinement.
Ce fut pour Pierre une heure de grand trouble. Il sentit que le drame de sa vie de prêtre allait se jouer, que s’il ne retrouvait pas la foi dans cette crise, jamais elle ne lui reviendrait. Et il était sans mauvaises pensées, sans résistance, souhaitant avec ferveur, lui aussi, d’être tous deux guéris ensemble. Oh ! être convaincu par sa guérison à elle, croire ensemble, être sauvés ensemble ! Il voulut prier comme elle, ardemment. Mais, malgré lui, la foule le préoccupait, cette foule sans bornes, où il avait tant de peine à se noyer, à disparaître, à n’être plus que la feuille de la forêt, perdue dans le frisson de toutes les feuilles. Il ne pouvait s’empêcher de l’analyser, de la juger. Il la savait entraînée, suggestionnée depuis quatre jours : la fièvre du long voyage, l’excitation des paysages nouveaux, les journées vécues devant la splendeur de la Grotte, les nuits sans sommeil, la douleur exaspérée, affamée d’illusion. Puis, c’était encore l’obsession de la prière, ces cantiques, ces litanies qui la secouaient sans relâche. Un autre prêtre avait succédé