Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/441

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obtenu. » Mais cela se perdait dans le concert des cris brûlants qui montaient. Le cri des amants : « Paul et Anna demandent la bénédiction de Notre-Dame de Lourdes sur leur union. » Le cri des mères : « Reconnaissance à Marie, trois fois elle m’a guéri mon enfant.— Reconnaissance pour la naissance de Marie-Antoinette, que je lui confie, ainsi que les miens et moi.— P. D. âgé de trois ans, a été conservé à l’amour des siens. » Le cri des épouses, le cri des malades soulagés, le cri des âmes rendues au bonheur : « Protégez mon mari, faites que mon mari se porte bien.— J’étais infirme des deux jambes, je suis guérie.— Nous sommes venus et nous espérons.— J’ai prié, j’ai pleuré, et elle m’a exaucée. » Et des cris encore, des cris d’une discrétion ardente faisaient rêver de longs romans : « Vous nous avez unis, protégez-nous.— À Marie, pour le plus grand des bienfaits. » Et toujours les mêmes cris, les mêmes mots revenaient, avec une ferveur passionnée : gratitude, reconnaissance, hommage, actions de grâce, remerciements. Ah ! ces centaines, ces milliers de cris, à jamais fixés dans le marbre, qui, du fond de la Crypte, clamaient à la Vierge l’éternelle dévotion des misérables humains qu’elle avait secourus !

Pierre ne se lassait pas de lire, la bouche amère, envahi d’une désolation croissante. Lui seul n’avait donc à attendre aucun secours ? Lorsque tant d’êtres souffrants étaient exaucés, lui seul n’avait pas su se faire entendre ? Et il songeait maintenant à l’extraordinaire quantité des prières qui devaient être dites à Lourdes, d’un bout de l’année à l’autre. Il tâchait d’en évaluer le nombre : les journées vécues devant la Grotte, les nuits passées dans l’église du Rosaire, et les cérémonies à la Basilique, et les processions sous le soleil et sous les étoiles. C’était incalculable, cette continuelle supplication de toutes les secondes. La volonté des fidèles était d’en fatiguer les oreilles de Dieu, de lui arracher des grâces, des pardons,