Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/443

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d’universelle pitié qui gagnait jusqu’aux pierres. Et, enfin, les prières montaient plus haut, toujours plus haut, s’élançaient de la Basilique rayonnante, bourdonnante au-dessus de lui, pleine en ce moment d’un peuple frénétique, dont il croyait sentir, au travers des dalles de la nef, le souffle énorme éclatant en un cantique d’espoir. Il finissait par être emporté, comme s’il s’était trouvé au milieu du frémissement même de ce flot immense de prières, qui, parti de la poussière du sol, gravissait les étages des églises superposées, s’élargissait de tabernacle en tabernacle, apitoyait les murailles au point qu’elles sanglotaient, elles aussi, et que le cri suprême de misère allait percer le ciel, avec l’aiguille blanche, la haute croix dorée, au bout de la flèche. Ô Dieu tout-puissant, ô Divinité, Force secourable, qui que tu sois, prends en pitié les pauvres hommes, fais cesser la souffrance humaine !

Soudainement, Pierre fut ébloui. Il avait suivi le couloir de gauche, il débouchait au plein jour, en haut des rampes. Et, tout de suite, deux bras tendres le saisirent, l’enveloppèrent. C’était le docteur Chassaigne, dont il oubliait le rendez-vous, qui l’attendait là, pour le mener visiter la chambre de Bernadette et l’église du curé Peyramale.

— Oh ! mon enfant, quelle joie doit être la vôtre !… Je viens d’apprendre la grande nouvelle, la grâce extraordinaire dont Notre-Dame de Lourdes a comblé votre amie… Souvenez-vous de ce que je vous disais, avant-hier ! Maintenant, je suis tranquille, vous-même êtes sauvé.

Le prêtre, très pâle, eut une dernière amertume. Mais il put sourire, il répondit avec douceur :

— Oui, nous sommes sauvés, je suis bien heureux.

C’était le mensonge qui commençait, la divine illusion qu’il voulait donner aux autres, par charité.

Et Pierre eut encore un spectacle. La grand’porte de la