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Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/510

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dépenser son argent, de repartir les poches bourrées de photographies et de médailles, allumait les visages d’un air de fête, changeait cette foule épanouie en une foule de kermesse, aux appétits débordants et satisfaits.

Sur le plateau de la Merlasse, M. de Guersaint fut tenté un instant d’entrer dans une des boutiques les plus belles et les plus achalandées, dont l’enseigne portait en lettres hautes ces mots : Soubirous, frère de Bernadette.

— Hein ? si nous faisions nos emplettes là ? Ce serait plus local, nos petits souvenirs auraient un intérêt de plus.

Puis, il passa, en répétant qu’il fallait tout voir d’abord.

Pierre avait regardé la boutique du frère de Bernadette, avec un serrement de cœur. Cela le chagrinait, le frère vendant la sainte Vierge que la sœur avait vue. Mais il fallait bien vivre, et il croyait savoir que la famille de la voyante, à côté de la Basilique triomphale dans son resplendissement d’or, ne faisait pas fortune, tellement la concurrence était terrible. Si les pèlerins laissaient à Lourdes des millions, les marchands d’articles de sainteté y étaient plus de deux cents, sans compter les hôteliers et les logeurs qui prenaient la grosse part ; de sorte que les gains, si âprement disputés, finissaient par être assez médiocres. Le long du plateau, à droite et à gauche du frère de Bernadette, d’autres boutiques s’ouvraient, une file ininterrompue de boutiques, serrées les unes contre les autres, qui occupaient les cases du baraquement de bois, une sorte de galerie construite par la ville, et dont elle tirait une soixantaine de mille francs. C’étaient de véritables bazars, des étalages ouverts, empiétant sur le trottoir, raccrochant le monde au passage. Sur près de trois cents mètres, il n’y avait pas