Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/515

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innombrables sur lesquels revenaient sans cesse la Basilique, la Grotte, la sainte Vierge, reproduites de toutes les façons, par tous les procédés connus. Dans une case à cinquante centimes l’article, s’entassait un pêle-mêle de ronds de serviette, de coquetiers et de pipes de bois, où l’apparition de Notre-Dame de Lourdes était sculptée, rayonnante.

Peu à peu, M. de Guersaint s’était dégoûté, envahi d’une tristesse, d’un agacement d’homme qui se piquait d’être un artiste.

— Mais c’est affreux, c’est affreux, tout cela ! répétait-il à chaque nouvel article qu’il examinait.

Il se soulagea, en rappelant à Pierre la tentative ruineuse qu’il avait faite pour rénover l’imagerie religieuse. Les débris de sa fortune y étaient restés, ce qui le rendait plus sévère encore, devant les pauvres choses dont le magasin débordait. Avait-on jamais vu des objets d’une laideur si sotte, si prétentieuse, si compliquée ? La vulgarité de l’idée, la niaiserie de l’expression le disputaient à l’habileté banale de la facture. Cela tenait de la gravure de mode, du couvercle de boîte à bonbons, des poupées de cire qui tournent chez les coiffeurs : un art faussement joli, péniblement enfantin, sans humanité réelle, sans accent, sans sincérité aucune. Et l’architecte, lancé, ne s’arrêta plus, dit aussi son dégoût des constructions du nouveau Lourdes, le pitoyable enlaidissement de la Grotte, la monstruosité colossale des rampes, les désastreuses disproportions de l’église du Rosaire et de la Basilique, celle-là trop lourde, pareille à une halle au blé, celle-ci d’une maigreur de bâtisse anémique, sans style et bâtarde.

— Ah ! vraiment, finit-il par conclure, il faut bien aimer le bon Dieu, pour avoir le courage de venir l’adorer au milieu de pareilles horreurs ! Ils ont tout raté, ils ont tout gâché, comme à plaisir, sans qu’un seul ait eu