Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/539

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qui traînaient, des groupes ahuris qui continuaient à tournoyer. Et les portières s’ouvrirent, un flot de voyageurs descendit, tandis qu’un autre flot montait, dans un double courant contraire, d’une obstination qui acheva de mettre le tumulte à son comble. Aux fenêtres des portières fermées, des têtes avaient paru, d’abord curieuses, puis frappées de stupeur devant l’étonnant spectacle, deux têtes de jeunes filles surtout, adorablement jolies, dont les grands yeux candides finirent par exprimer la plus douloureuse pitié.

Mais madame Maze était montée dans un wagon, suivie de son mari, si heureuse, si légère, qu’elle avait vingt ans, comme au soir déjà lointain de son voyage de noce. Et les portières furent refermées, la locomotive lâcha un grand coup de sifflet, puis s’ébranla, repartit lentement, lourdement, parmi la cohue qui, derrière le train, reflua sur les voies en un dégorgement d’écluse lâchée, de nouveau envahissante.

— Barrez donc le quai ! criait le chef de gare à ses hommes. Et veillez, quand on amènera la machine !

Au milieu de cette alerte, les pèlerins et les malades en retard venaient d’arriver. La Grivotte passa, avec ses yeux de fièvre, son excitation dansante, suivie d’Élise Rouquet et de Sophie Couteau, très gaies, essoufflées d’avoir couru. Toutes trois se hâtèrent de gagner le wagon, où sœur Hyacinthe les gronda. Elles avaient failli rester à la Grotte, où parfois des pèlerins s’oubliaient, ne pouvant s’en arracher, implorant, remerciant encore la sainte Vierge, lorsque le train les attendait à la gare.

Tout d’un coup, Pierre, inquiet lui aussi, ne sachant plus que penser, aperçut M. de Guersaint et Marie, tranquillement arrêtés sous la marquise, en train de causer avec l’abbé Judaine. Il courut les rejoindre, il dit son impatience.