Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/558

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caillou dans son bas ; et, comme on ne faisait toujours aucune attention à ce petit pied visité par la sainte Vierge, elle le gardait entre ses mains, le caressait, semblait ravie de le toucher et de faire joujou avec.

M. de Guersaint s’était mis debout, accoudé à la cloison, regardant M. Sabathier.

— Oh ! père, père, dit soudain Marie, vois donc cette entaille dans le bois ! C’est la ferrure de mon chariot qui a fait ça !

Ce vestige retrouvé la rendit si heureuse, qu’un instant elle oublia le secret chagrin qu’elle semblait vouloir taire. De même que madame Vincent avait sangloté en apercevant la bretelle de cuir, touchée par sa fillette, elle, brusquement, éclatait de joie, à la vue de cette écorchure qui lui rappelait son long martyre, à cette place, toute cette abomination disparue, évanouie comme un cauchemar.

— Dire qu’il y a quatre jours à peine ! J’étais couchée là, je ne pouvais pas bouger, et maintenant, maintenant je vais, je viens, je suis si à l’aise, mon Dieu !

Pierre et M. de Guersaint lui souriaient. Puis, M. Sabathier, qui avait entendu, dit lentement :

— C’est bien vrai, on laisse un peu de soi dans les choses, de ses souffrances, de ses espérances, et quand on les retrouve, elles vous parlent, elles vous redisent ces choses, qui vous attristent ou vous égayent.

De son air résigné, il était resté silencieux dans son coin, depuis le départ de Lourdes ; et sa femme elle-même, quand elle lui enveloppait les jambes, en lui demandant s’il souffrait, n’en tirait que des hochements de tête. Il ne souffrait pas, mais il était envahi d’un accablement invincible.

— Ainsi, moi, tenez ! continua-t-il, pendant le long voyage, en venant, je m’étais distrait à compter les frises, au plafond, là-haut. Il y en avait treize, de la lampe à la