Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/605

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Les fortifications. Dans le grand ciel pur, d’une sérénité chaude, le soleil de deux heures descendait lentement. Au-dessus de Paris immense, des fumées lointaines, des fumées rousses s’élevaient en nuées légères, une haleine épaisse et volante de colosse au travail. C’était Paris dans sa forge, Paris avec ses passions, ses combats, son tonnerre toujours grondant, sa vie ardente toujours en enfantement de la vie de demain. Et le train blanc, le train lamentable de toutes les misères et de toutes les douleurs, y rentrait à grande vitesse, en sonnant plus haut la fanfare déchirante de ses coups de sifflet. Les cinq cents pèlerins, les trois cents malades allaient s’y perdre et retomber sur le dur pavé de leur existence, au sortir du rêve prodigieux qu’ils venaient de faire, jusqu’au jour où le besoin consolateur d’un rêve nouveau les forcerait à recommencer l’éternel pèlerinage du mystère et de l’oubli.

Ah ! tristes hommes, pauvre humanité malade, affamée d’illusion, qui, dans la lassitude de ce siècle finissant, éperdue et meurtrie d’avoir acquis goulûment trop de science, se croit abandonnée des médecins de l’âme et du corps, en grand danger de succomber au mal incurable, et retourne en arrière, et demande le miracle de sa guérison aux Lourdes mystiques d’un passé mort à jamais ! Là-bas, Bernadette, le nouveau Messie de la souffrance, si touchante dans sa réalité humaine, est la leçon terrible, l’holocauste retranché du monde, la victime condamnée à l’abandon, à la solitude et à la mort, frappée de la déchéance de n’avoir pas été femme, ni épouse ni mère, parce qu’elle avait vu la sainte Vierge.


FIN