Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/107

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nier, lorsqu’il y avait mené à bien, avec son ordinaire maîtrise, la conversion d’Ève au catholicisme, son plus beau triomphe. Le baptême avait eu lieu dans cette même église, une cérémonie d’une extraordinaire pompe, un véritable gala, donné au public de tous les grands événements parisiens. Gérard, agenouillé, était ému aux larmes ; tandis que le baron triomphait, en bon mari, heureux de voir la religion établir enfin l’harmonie parfaite en son ménage. On racontait, dans les groupes, que la famille d’Ève, le vieux Justus Steinberger, son père, n’était pas au fond trop fâché de l’aventure, ricanant, disant qu’il connaissait assez sa fille pour la souhaiter à son pire ennemi. En banque, il est des valeurs qu’on aime à voir escompter chez les rivaux. Sans doute, avec l’espoir entêté du triomphe de sa race, se consolant de l’échec de son premier calcul, se disait-il qu’une femme comme Ève était un bon dissolvant dans une famille chrétienne, dont l’action aiderait à faire tomber aux mains juives tout l’argent et toute la puissance.

Mais la vision disparut, la voix de monseigneur Martha s’élevait avec une ampleur croissante, célébrant, au milieu du frémissement de l’auditoire, les bienfaits de l’esprit nouveau, qui allait enfin pacifier la France, lui rendre son rang et sa force. Est-ce que, de toutes parts, des signes certains n’annonçaient pas cette résurrection ? L’esprit nouveau, c’était le réveil de l’idéal, la protestation de l’âme contre le bas matérialisme, le triomphe du spiritualisme sur la littérature fangeuse ; c’était aussi la science acceptée, mais remise en sa place, réconciliée avec la foi, du moment qu’elle ne prétendait plus empiéter sur le domaine sacré de celle-ci ; et c’était encore la démocratie accueillie paternellement, la république légitimée, reconnue à son tour comme la bien-aimée fille de l’Église. Un souffle d’idylle passait, l’Église ouvrait