Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/130

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— Ah ! bah ! une explosion… Me permettez-vous de voir la plaie ? Vous savez qu’avant de me laisser séduire par la chimie, j’ai fait mes études de médecine, et que je suis un peu chirurgien.

Pierre ne put retenir ce cri de son cœur :

— Oui, oui ! maître, voyez la blessure… J’étais bien inquiet, c’est une chance inespérée que vous vous trouviez là.

Le savant le regarda, sentit la gravité des circonstances qu’on lui cachait. Et, comme Guillaume consentait, avec un sourire, en pâlissant de faiblesse, il voulut d’abord qu’on le couchât. La servante revenait dire que le lit était prêt, tous passèrent dans la chambre voisine, où le blessé fut déshabillé et mis au lit.

— Éclairez-moi, Pierre, prenez la lampe, et que Sophie me donne une cuvette pleine d’eau, avec des linges.

Puis, lorsqu’il eut doucement lavé la plaie :

— Diable ! diable !… Le poignet n’est pas cassé, mais c’est une vilaine affaire tout de même. Je crains qu’il n’y ait une lésion de l’os… Ce sont des clous qui ont traversé les chairs, n’est-ce pas ?

Ne recevant pas de réponse, il se tut. Sa surprise croissait, il se mit à examiner avec attention la main que la flamme avait noircie, il finit même par flairer la manche de la chemise, pour mieux se rendre compte. Évidemment, il reconnaissait les effets d’un de ces explosifs nouveaux, que lui-même avait si savamment étudiés et pour ainsi dire créés. Mais, pourtant, celui-ci devait le dérouter, car il y avait là des traces, des caractères, dont l’inconnu lui échappait.

— Alors, se décida-t-il à demander enfin, emporté par sa curiosité de savant, c’est dans une explosion de laboratoire que vous vous êtes arrangé de cette belle façon ?… Quelle diablesse de poudre étiez-vous donc en train de fabriquer ?