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Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/138

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qui le hantait de savoir si Salvat était arrêté et s’il avait parlé. Il ne l’avouait pas, il paraissait n’avoir aucune inquiétude personnelle ; et c’était vrai sans doute ; mais son grand secret l’étouffait, il frémissait à la pensée qu’un si haut dessein, tant de travail et tant d’espoir, fussent à la merci de cet halluciné de la misère, voulant rétablir la justice à coups de bombe. Vainement, le prêtre tâcha de lui faire entendre qu’à cette heure on ne pouvait encore rien savoir : il le vit d’une telle impatience, accrue de minute en minute, qu’il se décida à tenter au moins un effort, pour le satisfaire.

Mais où aller, où frapper ? Dans la conversation, Guillaume, cherchant à qui Salvat avait pu demander asile, nomma Janzen, et il eut un instant l’idée d’envoyer aux renseignements chez celui-ci. Puis, il réfléchit que Janzen, s’il avait appris l’attentat, n’était pas homme à attendre chez lui la police.

— J’irais bien t’acheter les journaux du soir, répétait Pierre. Mais il n’y a rien dedans, à coup sûr… Dans Neuilly, je connais presque tout le monde. Seulement, je ne vois personne, à moins, pourtant, que Bache…

Guillaume l’interrompit.

— Tu connais Bache, le conseiller municipal ?

— Oui, nous nous sommes occupés ensemble de bonnes œuvres, dans le quartier.

— Oh ! Bache est un de mes vieux amis, et je ne sais pas d’homme plus sûr. Va chez lui, ramène-le-moi, je t’en prie.

Un quart d’heure plus tard, Pierre ramenait Bache, qui habitait une rue voisine. Et il ne le ramenait pas seul, ayant eu la surprise de trouver chez lui Janzen. Comme Guillaume s’en était douté, celui-ci, dînant chez la princesse de Harth et apprenant l’attentat, s’était bien gardé de rentrer coucher dans son petit logement de la rue des