Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/184

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pendant près d’un quart d’heure, au bas de l’escalier, pour causer avec une voisine, qui venait de perdre un enfant. Et elles sortaient enfin de la maison, lorsqu’un appel les arrêta.

— Maman ! Maman !

C’était la petite Céline, ravie, chaussée de souliers neufs, mordant dans une brioche.

— Maman, c’est monsieur l’abbé de l’autre jour, qui veut te parler… Vois donc, il m’a acheté tout ça !

Madame Théodore, en voyant les souliers et la brioche, avait compris. Et elle se mit à trembler, à bégayer des remerciements, lorsque Pierre, qui marchait derrière la petite, l’aborda. Vivement, madame Toussaint s’était approchée, se présentant elle-même, mais ne demandant rien, contente au contraire de l’aubaine pour sa belle-sœur, plus malheureuse qu’elle. Quand elle vit le prêtre glisser dix francs dans la main de celle-ci, elle lui expliqua qu’elle aurait bien volontiers prêté quelque chose, mais qu’elle ne le pouvait pas ; et elle entama les histoires de l’attaque de Toussaint et de la malchance de Charles.

— Dis donc, maman, interrompit Céline, l’usine où papa travaillait, c’est bien là, dans la rue ? Monsieur l’abbé va y faire une commission.

— L’usine Grandidier, reprit madame Toussaint, justement nous y allions, nous pouvons bien y conduire monsieur l’abbé.

C’était à une centaine de pas. Pendant que les deux femmes et l’enfant l’accompagnaient, Pierre ralentit sa marche, désireux de faire causer madame Théodore sur Salvat, ainsi qu’il se l’était promis. Mais tout de suite elle devint prudente. Elle ne l’avait pas revu, il devait être en Belgique avec un camarade, pour du travail. Et le prêtre crut sentir que Salvat n’avait point osé revenir rue des Saules, dans l’ébranlement de son attentat, où