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le petit atelier où Thomas travaillait. Il aimait beaucoup ce dernier, dont il avait facilité chez lui l’apprentissage, en le traitant comme un fils. Il le laissait revenir à sa guise, mettait à sa disposition son outillage. Et, tout en le sachant occupé de la question des petits moteurs, qui le passionnait lui-même, il montrait la plus grande discrétion, il attendait, sans le questionner.

Thomas présenta le prêtre.

— Mon oncle, monsieur l’abbé Pierre Froment, qui est venu me serrer la main.

Il y eut un échange de politesses. Puis, Grandidier, la face voilée de cette tristesse qui le faisait passer pour sévère et dur, voulut réagir, se montrer gai.

— Dites donc, Thomas, je ne vous ai pas conté ma séance avec le juge d’instruction. Je suis bien noté, sans cela nous aurions eu ici tous les argousins de la Préfecture… Il voulait que je lui expliquasse la présence, rue Godot-de-Mauroy, de ce poinçon marqué à mon chiffre. Et j’ai bien vu que son idée était que l’auteur de l’attentat avait dû travailler ici… Moi, tout de suite, j’ai pensé à Salvat. Mais je ne dénonce personne. Il a mon livre d’embauchage, j’ai répondu simplement sur Salvat qu’il était resté près de trois mois à l’usine, l’automne dernier, puis qu’il avait disparu. Qu’il le cherche !… Ah ! ce juge, un petit homme blond, très soigné, l’air mondain, qui frétille dans cette affaire, avec des yeux de chat.

— N’est-ce pas monsieur Amadieu ? demanda Pierre.

— Oui, c’est cela même, un homme certainement ravi du cadeau que ces bandits d’anarchistes lui ont fait, avec leur attentat.

Angoissé, le prêtre écoutait. C’était ce que redoutait son frère, la bonne piste trouvée enfin, le premier fil conducteur. Et il regarda Thomas, pour voir s’il s’inquiétait, lui aussi. Mais, soit que le jeune homme ignorât le lien qui nouait Salvat à son père, soit qu’il eût sur lui-