Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/237

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une poudre d’une si extraordinaire puissance, que les effets en étaient incalculables. Cette poudre, il en avait trouvé l’emploi dans un engin de guerre, des bombes lancées par un canon spécial, dont l’usage devait assurer une foudroyante victoire à l’armée qui s’en servirait. L’armée ennemie serait détruite en quelques heures, les villes assiégées tomberaient en poudre au moindre bombardement. Longtemps, il avait cherché, douté, refait ses calculs et ses expériences ; mais tout, à cette heure, était prêt, la formule exacte de la poudre, les dessins pour le canon et les bombes, un précieux dossier mis en lieu sûr. Et il avait résolu, après des mois d’anxieuses réflexions, de donner son invention à la France, afin de lui assurer la victoire certaine dans sa prochaine guerre avec l’Allemagne. Cependant, il n’était pas de patriotisme étroit, il avait au contraire une conception internationale très élargie de la future civilisation libertaire. Seulement, il croyait à la mission initiatrice de la France, il croyait surtout à Paris, cerveau du monde d’aujourd’hui et de demain, d’où devaient partir toute science et toute justice. Déjà l’idée de liberté et d’égalité s’en était envolée, au grand souffle de la Révolution, et c’était de son génie, de sa vaillance que l’émancipation définitive allait aussi prendre son vol. Il fallait que Paris fut victorieux, pour que le monde fût sauvé.

Pierre avait compris, grâce à la conférence sur les explosifs, entendue par lui chez Bertheroy. Et la grandeur démesurée de ce projet, de ce rêve, le saisissait, par l’extraordinaire destinée qui se serait ouverte pour Paris vainqueur, dans l’éclat fulgurant des bombes. Mais il était aussi frappé de la noblesse que prenaient à ses yeux les angoisses de son frère, depuis un mois. Celui-ci n’avait tremblé que de la crainte de voir son invention divulguée, à la suite de l’attentat de Salvat. La moindre indiscrétion pouvait tout compromettre, et cette petite cartouche volée,