Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/287

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reprise à tenter là sur la commune richesse, volée par l’infâme bourgeoisie !

Raphanel, lui, après avoir acclamé Legras, s’était mis à fouiller la salle de ses petits yeux gris et perçants. Et les deux hommes, Mathis et l’autre, le mal vêtu, celui dont on ne voyait qu’un bout de barbe, venaient de fixer son attention. Ils n’avaient pas ri, ils n’avaient pas applaudi, ils étaient là comme des gens très las qui se reposent, convaincus que le meilleur moyen de disparaître est de se mêler à une foule.

Tout d’un coup, Raphanel se tourna vers Bergaz.

— C’est bien le petit Mathis, là-bas. Avec qui donc est-il ?

Bergaz eut un geste évasif : il ne savait pas. Mais il ne quitta plus Raphanel des yeux, il le vit qui affectait de se désintéresser, puis qui achevait sa chope et prenait congé, en disant, par manière de plaisanterie, qu’une dame l’attendait, à côté, dans le bureau des omnibus. Vivement, dès qu’il eut disparu, Bergaz se leva, enjamba les bancs, bouscula le monde, s’ouvrit un passage jusqu’au petit Mathis, à l’oreille duquel il se pencha. Et, tout de suite, celui-ci quitta sa table, emmena son compagnon, le poussa dehors, par une porte de dégagement. Ce fut si rapidement fait, que personne ne s’aperçut de cette fuite.

— Qu’y a-t-il donc ? demanda la princesse à Bergaz, lorsque celui-ci fut revenu se rasseoir tranquillement, entre Rossi et Sanfaute.

— Mais rien, j’ai voulu serrer la main de Mathis, qui partait.

Rosemonde annonça qu’elle allait en faire autant. Puis, elle s’attarda un moment encore, reparla de la Norvège, en voyant que seule l’idée des glaces éternelles, du grand froid purificateur, passionnait Hyacinthe. Dans son poème de la Fin de la Femme, trente vers qu’il dési-