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Guillaume, en entrant dans le grand silence de la maison.

Pierre s’était assis devant une des petites tables.

— On nous permettra toujours bien d’y attendre que la pluie cesse.

Pourtant, un garçon parut. Il descendait du premier étage, il semblait fort affairé, fouillant un buffet pour réunir quelques petits gâteaux secs sur une assiette. Et il finit par servir aux deux frères des petits verres de chartreuse.

En haut, dans un des cabinets, la baronne Ève Duvillard, venue en fiacre, attendait Gérard depuis près d’une demi-heure. C’était là qu’ils avaient pris rendez-vous, la veille, à la vente de charité. Les souvenirs les plus doux devaient les y attendre ; car, deux années auparavant, dans la lune de miel de leur liaison, ils s’y étaient délicieusement rencontrés, lorsqu’elle n’osait point encore aller chez lui et qu’ils avaient découvert ce nid caché, si désert, aux jours hésitants du printemps frileux. Et, certainement, en le choisissant pour ce rendez-vous suprême de leur passion finissante, elle n’avait pas cédé seulement à la crainte d’être surveillée, elle avait eu aussi l’idée poétique de retrouver là les premiers baisers, pour qu’ils fussent les derniers peut-être. Cela était si charmant, ce refuge, au milieu de ce grand bois aristocratique, à deux pas des larges allées où passait tout Paris ! Son cœur d’amoureuse tendre en était touché jusqu’aux larmes, dans la désolation de l’amère fin qu’elle sentait venir.

Mais elle aurait voulu, comme aux anciens jours, un jeune soleil sur les jeunes feuillages. Ce ciel de cendre, cette pluie qui tombait encore, l’attristait d’un frisson. Et, lorsqu’elle entra dans le cabinet, elle ne le reconnut point, si terne, si froid, avec son divan fané, sa table et ses quatre chaises. L’hiver était resté là, une