Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/338

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il avait eu les fils pour condisciples à Condorcet, se pencha, nomma ce dernier à l’oreille de Rosemonde. Tout de suite, celle-ci se leva, dans une brusque exaltation d’enthousiasme.

— Guillaume Froment ! Guillaume Froment, le grand chimiste !

Et, s’avançant, le bras tendu :

— Ah ! monsieur, vous me pardonnerez cette inconvenance. Mais il faut absolument que je vous serre la main… Je vous admire tant ! Vous avez fait sur les explosifs de si merveilleux travaux !

Puis, elle se mit à rire comme une gamine, en voyant l’étonnement du chimiste.

— Je suis la princesse de Harth. Monsieur l’abbé, votre frère, me connaît, et j’aurais dû me faire présenter par lui… D’ailleurs, nous avons, vous et moi, des amis communs, le très distingue Janzen, qui devait me mener chez vous, à titre d’élève bien modeste. J’ai fait de la chimie, oh ! par zèle pour la vérité et en faveur des bonnes causes, pas davantage… N’est-ce pas ? maître, que vous me permettez d’aller frapper à votre porte, dès que je serai de retour de Christiania, où je vais, avec mon jeune ami, faire un voyage de simple émotion et de recherches, dans l’ordre des sentiments inéprouvés.

Et elle continua, et il fut impossible aux autres de placer un mot. Elle mêlait tout : son goût d’internationalisme, qui l’avait jetée un moment aux bras de Janzen, dans le monde anarchiste, parmi les pires aventuriers du parti ; sa nouvelle passion des petites chapelles mystiques et symboliques, la revanche de l’idéal sur le réalisme grossier, la poésie des esthètes qui lui faisait rêver un spasme ignoré sous le baiser de glace du bel Hyacinthe.

Tout d’un coup, elle s’arrêta, se remit à rire.

— Tiens ! qu’est-ce qu’ils ont donc, ces agents, à fouiller