Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/420

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je me porte bien, voilà tout… Mais comprenez-vous ça ? des femmes qui ont une occasion unique de se mettre à leur aise, de voler comme l’oiseau, les jambes enfin dégagées de leur prison, et qui refusent ! Si elles croient être plus belles, avec des jupes écourtées d’écolières, elles se trompent ! Et quant à la pudeur, il me semble qu’on doit montrer plus aisément ses mollets que ses épaules.

Elle eut un geste de passion gamine.

— Et puis, est-ce qu’on pense à tout ça, lorsqu’on roule ?… Il n’y a que la culotte, la jupe est hérétique.

À son tour, elle le regardait, et elle dut, à cette minute, être frappée par l’extraordinaire changement qui s’était produit en lui, depuis le jour où, pour la première fois, elle l’avait vu, si sombre, dans sa longue soutane, la face amaigrie, livide, ravagée d’angoisse. Derrière, on sentait la détresse du néant, un vide de sépulcre dont le vent a balayé la cendre. Et c’était, maintenant, comme une résurrection, le visage s’éclairait, le grand front avait repris une sérénité d’espoir, tandis que les yeux et la bouche retrouvaient un peu de leur tendresse confiante, dans son éternelle faim d’aimer, de se donner et de vivre. Plus rien déjà ne révélait le prêtre en lui, que les cheveux moins longs, à la place de la tonsure, dont la pâleur se noyait.

— Pourquoi me regardez-vous ? demanda-t-il.

Elle répondit avec franchise :

— Je regarde combien le travail et le grand air vous font du bien, à vous aussi… Ah ! je vous aime mieux tel que vous voilà. Vous aviez si mauvaise mine ! Je vous ai cru malade.

— Je l’étais, dit-il simplement.

Mais le train s’arrêtait à Maisons-Laffitte. Ils descendirent, et tout de suite ils prirent la route de la forêt. Cette route monte légèrement jusqu’à la porte de Maisons, encombrée de charrettes, les jours de marché.