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Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/439

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rampe de cette cloison, le menton sur ses mains croisées, le petit Victor Mathis dont les yeux brûlaient, dans sa face pâle, aux lèvres minces. Les deux hommes se reconnurent, mais Victor ne bougea pas, Guillaume comprit qu’il n’était pas sain d’échanger là des saluts. Et, dès lors, il sentit Victor en arrêt au-dessus de lui, immobile, avec ses regards de flamme, dans une attente muette et farouche de ce qui allait se passer.

Pendant ce temps, Pierre venait également de reconnaître, assis devant lui, l’aimable député Dutheil et la petite princesse Rosemonde. Au milieu du brouhaha de la foule, qui causait et riait pour prendre patience, leurs voix sonnaient parmi les plus heureuses, disant leur joie d’être là, à ce spectacle si couru. Il lui expliquait la salle, tous les bancs, toutes les petites cages de bois, le jury, l’accusé, la défense, le procureur de la république, jusqu’au greffier, sans oublier la table à conviction et la barre des témoins. Tout cela était vide, un garçon de service donnait un dernier coup d’œil, des avocats traversaient rapidement. On aurait dit un théâtre dont la scène restait déserte, tandis que les spectateurs s’écrasant à leurs places, attendaient que la pièce commençât. Et pour tromper cette attente, la petite princesse finit par chercher les personnes de sa connaissance, parmi le flot pressé de toutes ces têtes avides et déjà congestionnées.

— Tiens ! là-bas, derrière le tribunal, c’est monsieur Fonsègue, n’est-ce pas ? près de cette grosse dame en jaune. Et voici, de l’autre côté notre ami, le général de Bozonnet… Le baron Duvillard n’est donc pas là ?

— Oh ! non, répondit Dutheil, il ne peut guère, il aurait l’air de venir demander vengeance.

Puis, il la questionna à son tour.

— Vous êtes donc fâchée avec votre bel ami Hyacinthe, que vous m’avez fait le grand plaisir de me choisir pour cavalier ?