Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/518

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drues comme grêle, les mariés et les deux familles en eurent les bras rompus.

Cependant, des gens demeuraient, des groupes se formaient, causant, s’égayant. Et Monferrand, tout de suite, se trouva entouré. Massot fit remarquer à Dutheil avec quel empressement l’avocat général Lehmann s’approchait, pour faire sa cour. Presque aussitôt, le juge d’instruction Amadieu fut également là ; et M. de Larombardière, le vice-président à la Cour, un boudeur pourtant, un des fidèles du salon de la comtesse, arriva lui-même. C’était la magistrature forcément flatteuse et obéissante, inféodée au pouvoir maître de l’avancement, qui nomme et qui destitue. On prétendait que Lehmann, dans l’affaire des Chemins de fer africains, avait rendu des services à Monferrand, en faisant disparaître certains dossiers. Et, quant au souriant Amadieu, si Parisien, n’était-ce pas à lui qu’on devait la tête de Salvat ?

— Vous savez, murmura Massot, que tous les trois viennent quêter des remerciements, pour leur guillotiné d’hier. Monferrand lui doit un beau cierge, à ce misérable, qui, une première fois, avec sa bombe, a empêché la chute du ministère, et qui, plus tard, lui a fait donner la présidence du Conseil, lorsqu’il s’est agi d’avoir un homme de poigne assez forte pour étrangler l’anarchie. Hein ! quelle lutte, Monferrand d’un côté et ce Salvat de l’autre ! Ça devait finir par une tête coupée, on en avait besoin d’une… Tenez ! écoutez-les, ils en causent.

En effet, les trois magistrats, qui allaient saluer le ministre tout-puissant, étaient questionnés par des dames amies, dont le compte rendu des journaux avait enfiévré la curiosité. Et Amadieu, ayant par devoir assisté à l’exécution, répondait, heureux de cette dernière importance, résolu à détruire ce qu’il appelait la légende de la mort héroïque de Salvat. Selon lui, ce scélérat n’avait eu aucun vrai courage, tenu debout par son seul orgueil, si livide,