Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/531

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c’est tuer la figure que de la poser tout de suite en sainte vierge.

— Bah ! dit superbement Duvillard, qu’il discute, ça fera du bruit… L’important est que nous ayons demain matin l’article de Massot dans le Globe.

Mais, à ce sujet, les nouvelles n’étaient pas bonnes. Chaigneux, qui avait relancé Fonsègue, déclarait que celui-ci hésitait encore, malgré le succès, qu’il trouvait idiot. Le baron se fâcha.

— Allez dire à Fonsègue que je veux et que je me souviendrai.

Dans le fond de l’avant-scène, Rosemonde délirait d’enthousiasme.

— Mon petit Hyacinthe, je vous en supplie, menez-moi à la loge de Silviane. Je ne peux pas attendre, il faut que je l’embrasse.

— Mais nous allons tous y aller, s’écria Duvillard, qui avait entendu.

Les couloirs débordaient, on s’écrasait jusque sur la scène. Puis, un obstacle se présenta, la porte de la loge était fermée ; et, lorsque le baron frappa, une habilleuse répondit que madame priait ces messieurs d’attendre.

— Oh ! moi, une femme, ça ne fait rien, dit Rosemonde, en se glissant vivement. Et vous, Hyacinthe, venez donc, ça ne fait rien non plus.

Silviane, à demi nue, se faisait essuyer les épaules et la gorge, tant elle avait chaud. Exaltée, Rosemonde se jeta sur elle, la baisa. Elles causèrent, la bouche presque sur la bouche, dans le flamboiement embrasé du gaz, dans le vertige des fleurs dont l’étroite pièce était pleine. Et, au milieu des mots brûlants d’admiration et de tendresse, Hyacinthe entendit qu’elles promettaient de se revoir à la sortie, et que Silviane finissait par inviter Rosemonde à venir prendre une tasse de thé chez elle.