Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/557

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— Mais si, je suis là.

Il était resté à sa table ; et, ne voyant plus clair pour lire, quittant le livre des yeux, il songeait, le menton dans la main, les regards perdus au loin sur Paris peu à peu envahi de ténèbres. Tout l’après-midi, il avait travaillé là, sans même lever la tête. L’époque de son examen approchait, il vivait dans une tension continue de son cerveau, la plus forte qu’il pouvait donner. Et cette solitude, cette ombre étaient toutes pleines de ce jeune homme, immobile ainsi, la face au-dessus de son livre.

— Comment ! tu es là, tu travailles ! reprit le père. Pourquoi n’as-tu pas demandé une lampe ?

— Non, je regardais Paris, reprit François lentement. C’est singulier comme la nuit y descend par degrés, d’un air d’intelligence. Le dernier quartier éclairé a été, là-bas, la montagne Sainte-Geneviève, ce plateau du Panthéon, où toute connaissance et toute science ont grandi. Les écoles, les bibliothèques, les laboratoires sont encore dorés d’un rayon de soleil, lorsque les bas quartiers des marchands plongent déjà dans les ténèbres. Je ne veux pas dire que l’astre nous aime, à l’École Normale, mais je vous affirme qu’il s’attarde sur nos toits, lorsqu’il n’est plus nulle part.

Il se mit à rire de sa plaisanterie, et l’on sentait pourtant son ardente foi à l’effort cérébral, toute sa vie donnée à ce travail intellectuel, qui, selon lui, pouvait seul faire la vérité, décider de la justice, créer le bonheur.

Un silence régna. Paris, de plus en plus, tombait à la nuit, noir, immense, mystérieux. Une à une, alors, des étincelles y brillèrent.

— On allume les lampes, dit encore François. Le travail va partout reprendre.

Guillaume, qui rêvait à son tour, hanté par son idée fixe, s’écria :

— Le travail, oui, sans doute ! Mais pour qu’il donne