Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/88

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vous connaissez sans doute ; la baronne fait tout ce qu’il demande, sans même discuter ; et ce, matin, au lieu de vous lancer dans des courses inutiles, vous n’aviez qu’à vous faire appuyer par lui, d’autant plus qu’il paraissait dans d’excellentes dispositions. Aussitôt, elle aurait cédé.

Il se mit à rire.

— Alors, vous ne savez pas ce que je vais faire ?… Eh bien ! je vais gagner le baron à votre cause. Oui, je me rends précisément dans une maison où il est, une maison où l’on est certain de le trouver tous les jours, à cette heure-ci…

Et il riait plus haut.

— Enfin, la maison que vous n’ignorez peut-être pas non plus, monsieur l’abbé. Quand il est là, on est sûr qu’il ne refuse rien… Je vous promets de lui faire jurer que, ce soir, il exigera de sa femme l’admission de votre homme. Seulement, il sera un peu tard.

Puis, soudain, frappé d’une idée :

— Mais pourquoi ne venez-vous pas avec moi ? Vous obtenez un mot du baron et, tout de suite, sans perdre un minute, vous vous mettez à la recherche de la baronne… Ah ! oui, la maison vous gêne un peu, je comprends. Voulez-vous n’y voir que le baron ? Vous l’attendrez dans un petit salon du bas, je vous l’y amènerai.

Cette proposition acheva de l’égayer, tandis que Pierre, ahuri, hésitait, à l’idée d’être introduit de la sorte chez Silviane d’Aulnay. Ce n’était guère sa place. Pourtant, il serait allé chez le diable, et il y était allé parfois déjà, avec l’abbé Rose, dans l’espoir de soulager une misère.

Dutheil, qui se méprenait, baissa encore la voix, pour une suprême confidence.

— Vous savez qu’il a tout payé là-dedans. Oh ! vous pouvez venir sans crainte.

— Mais, certainement, je vais avec vous, dit le prêtre, qui ne put s’empêcher de sourire à son tour.